Pensées Sculptées

Thought #2 on a Yellow Base, glazed stoneware and porcelain slip, 21.6 x 7 x 6.7cm, 2017
Thought #2 on a Yellow Base, glazed stoneware and porcelain slip, 21.6 x 7 x 6.7cm, 2017

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Commençons par un petit jeu! Devinez ce que je vois.
Avec mes yeux d’espion, je vois … une pile de couleur
Avec mes yeux d’espion, je vois … quelques saucissons
Avec mes yeux d’espion, je vois … un cube jaune
Avec mes yeux d’espion, je vois … une sculpture en céramique
Avec mes yeux d’espion, je vois… les pensées de Ghada Amer
Oh, Attendez! Les pensées, ça se voit? Ne sont-elles plutôt pas intouchables et invisibles?

Apprendre à sculpter

Lorsque Ghada Amer commence à travailler la céramique, le médium lui est tout à fait nouveau. Comme avec tout commencement, c’était avant tout un apprentissage, un développement et surtout, des “accidents.” En regardant Thought #2 on a Yellow Base, il est plus facile de voir une pile de couleurs, quelques saucissons plutôt qu’une sculpture. Et pourtant, et comme l’indique son titre, il s’agirait d’une pensée. En regardant cette pièce de plus près, on a l’impression en effet de voir les pensées de Ghada Amer en train de se former

Créer avec la main gauche

Les pièces dans la série Thought, dont Thought #2, ont été toutes créées avec la main gauche de l’artiste. C’est peut-être pour cela qu’elles  paraissent comme des piles de couleurs sans forme, des petites masses. Elles ont été faites à partir  de morceaux de céramiques rejetés, des restes de céramiques ulitisées pour construire quelques-unes de ses autres pièces. Ce sont bien des restes.

Ghada Amer est droitière. Maîtrise, précision et technique sont des traits de la main dominante. En utilisant sa main gauche, les créations de l’artiste s’offrent dès lors tout autant à l’expérimentation qu’aux accidents. Il ne s’agit plus d’un à priori technique ou d’une forme précise. D’ailleurs, dans sa première itération (2014), Thought #2 n’avait même pas le piédestal jaune que l’on voit dans la version de 2017. Il s’agissait, donc, d’une pièce plus informelle.  La main gauche de Ghada Amer crée des sculptures originales et à part entière. La main gauche de l’artiste rend l’informel formel. 

Une Pensée sculptée

Chez Ghada Amer, les sculptures créées avec la main gauche et le caractère non-catégorique de la série Thought font penser à l’écriture automatique des surréalistes. Les bouts de céramiques sont amassés ou joints par hasard, donnant une sensation de vitesse. Parlant de l’écriture automatique des surréalistes, André Breton disait que le but était de produire des monologues sans aucune inhibition, des textes qui seraient aussi proches que possible de la pensée. Breton avait même appelé cette technique une “pensée parlée”. Avec Thought #2, Ghada Amer nous donnerait à voir une “pensée sculptée”.

Un renouveau sculptural par la main gauche

Comment comprendre alors Thought #2? En utilisant sa main gauche, Ghada Amer s’est délaissé de la forme et de ses présupposés et a conçu une forme entièrement nouvelle, une sculpture tout à fait autre. L’artiste serait en fait en train d’explorer et surtout de découvrir ce qu’il y a de nouveau dans la sculpture. La main gauche débute une technique qui lui est propre et avec cela, une forme nouvelle et un processus nouveau. 

La main gauche de Ghada Amer formalise ainsi un nouveau processus de la pensée, un processus rendu possible par les accidents de la main non-dominante. Dans la série Thought, nous n’avons pas affaire à une sculpture résultant d’une décision bien pensée ou même planifiée. Nous sommes plutôt invités à explorer la manière dont une pensée devient sculptée, et comment la sculpture donne naissance au processus même de la pensée . Forme et pensée, processus et résultat coïncident. Tout au long de la série Thought, il y a bien une forme à l’informel. Cette forme, c’est celle de ses pensées. 

Alors, maintenant qu’est-ce que je vois?

Avec mes yeux d’espion, je vois … Ghada Amer en train de penser!

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Farida Youssef
Farida Youssef is an aspiring art critic. Key to her work and reflection is the relationship between art and spatial theory in 20th century thought. In 2017, she was awarded an MA from University College London. Her thesis focused on the interplay of space, aesthetics and dramaturgy in Marivaux’s plays. In 2018, she was a Merut Fellow at the British Museum where she contributed to the Modern Egypt Project, approaching the collection through the lens of contemporary philosophy.
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