La Voix de la femme est révolution (2022)

Woman's voice
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Si elle est connue principalement pour ses peintures brodées, sa céramique et ses sculptures en acier et en bronze, Ghada Amer a néanmoins créé des jardins depuis 1997, et donc depuis le tout début de son cheminement artistique en 1990.

Le nouveau jardin de Ghada Amer

Pour sa rétrospective au MUCEM à Marseille, Ghada Amer innove cette fois-ci en ayant recours pour la première fois à l´écriture arabe dans ses jardins. “A Woman’s Voice is Revolution” se place sans aucun doute parmi ses installations les plus audacieuses et les plus radicales d’un point de vue politique.

La voix d’une femme suscite la honte  

Traduction française: La voix de la femme suscite la honte

Avec sa nouvelle création, Ghada Amer remet en cause le proverbe arabe courant “La voix d’une femme suscite la honte”.  Ce proverbe, est issu d’un hadith controversé (les hadiths sont la tradition orale du prophète) tel qu’il a été transmis par le juriste musulman vénéré Al-Bukhari (ca. 808-870 CE) et selon lequel ceux qui font confiance aux femmes dans leurs affaires ne prospèreront jamais.

Pendant des siècles, ce hadith a été utilisé stratégiquement par certains représentants politiques et théologiens orthodoxes pour dénoncer la voix des femmes qui serait, selon eux, source d’instabilité sociale et politique menant au chaos. Vue sous cet angle, la voix d’une femme, tout comme son corps ou sa chevelure d’ailleurs, doivent être bannis des sphères sociales où on pourrait les entendre ou même les voir. Si le corps de la femme se doit d’être voilé, selon certains musulmans, sa voix doit aussi être passée sous silence car elle est scandaleuse et répréhensible. La voix d’une femme mènerait à la confusion religieuse, au désordre social et à la rébellion politique.  Écouter et se laisser aller à la douceur de la voix d’une femme ferait office de tentation pour les hommes, les rendant impurs et entraînant la discorde au sein de la communauté.

Donner à la femme la parole c’est lui donner ses droits

Par le déplacement stratégique d’une seule lettre du proverbe, Ghada Amer en subvertit le message et efface toute notion de honte associée à la femme. Elle transforme ainsi la rhétorique de la honte en un slogan féministe puissant qui revendique le droit à la parole et à la liberté. Ghada Amer avait vu nombre fois ce slogan affiché pendant les Printemps Arabes en 2011. C’est ce même slogan d’ailleurs qui avait été repris officiellement par la Coalition de la Femme de la Révolution au cours de la journée internationale de la femme en 2013: La Voix de la Femme est Révolution. Quelle grande différence une seule lettre produit !

Traduction française:  La voix de la femme est révolution

La voix des femmes dans l’histoire

On pourrait se laisser aller à penser que réduire les femmes au silence serait juste “un problème musulman.” Cependant, au cours de l’histoire du monde, les femmes ont dû se battre  pour faire entendre leurs voix et l’autorité féminine a toujours été effacée au profit du masculin. Il n’y a qu’à rappeler la manière dont les écrits des femmes ont si souvent été signés anonymement ou sous un pseudonyme. Même au 18ème siècle, malgré l’augmentation du taux d’alphabétisation des femmes, celles-ci ont continué à être dénigrées et très peu d’entre elles ont pu vivre de leurs écrits. Et jusqu’aux salons pourtant organisés par des femmes, nommées les salonnières, il y avait très peu d’évènements où elles pouvaient présenter leurs travaux. L’exclusion des femmes des sphères culturelles, intellectuelles et politiques a été incéssante au cours des temps.

Le charbon et les fleurs ou comment affirmer la persévérance des femmes

La structure et les lettres du jardin de Ghada Amer sont en acier. Les lettres arabes sont remplis  de charbon, une allusion directe à la tradition de brûler les sorcières, et donc de réduire au silence toute femme subversive de façon général. Les espaces qui entourent les trois mots en arabe sont, quant à eux, remplis de plantes. Le choix délibéré d’utiliser les immortelles, une plante médicinale méditerranéenne qui fleurit chaque printemps, est un appel mémorial à la résilience et à la ténacité des femmes face aux extrémismes religieux, au sexisme, à la violence et à la patriarchie.

“A Woman’s Voice is Revolution” est une création unique consacrée à la rétrospective de Ghada Amer à Marseille. Cette œuvre ouvre le 17 septembre 2022 au Fort Saint Jean au MUCEM et accueillera le public jusqu’au 16 avril 2023.

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Sahar Amer
Sahar Amer (Ph.D. in French, Yale University, 1994) is Ghada Amer’s Director of Communications and Principal Content Writer. She has collaborated with Ghada Amer on a number of projects, including “The Encyclopedia of Pleasure,” “Majnun,” “One Hundred Words of Love,” and “The Words I Love the Most.” Prior to this role, she was Professor of French and Arab Studies at the University of North Carolina-Chapel Hill (USA) and Professor and Chair of the Department of Arabic Language and Cultures at the University of Sydney (Australia). Her primary research interests focus on the relations between Arab and Muslim societies and the West, and the notion of borders (cultural, linguistic, historical and geographic), not as elements of separation and division, but rather as fluid spaces of cultural exchange, adaptation, and collaboration. She has published several academic books, dozens of book chapters and journal articles and received prestigious honors and awards.
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